L'intrac, ou la révolution du porte outil
A l’exposition Allemande DLG de 1972, Deutz présente le premier modèle de son programme Intrac System 2000, l’Intrac 2002, un concept révolutionnaire qui va bousculer les concurrents, Mercedes en particulier.
Le tracteur agricole traditionnel a pour principale vocation la traction. Il manque de polyvalence avec son seul système d’attelage arrière. Le relevage avant est rare. Les opérations de précision obligent le chauffeur à se contorsionner. Deutz s’accroche à ce sujet et va proposer une vraie réponse avec l’Intrac System 2000.
La notion de porteur polyvalent date des années 50. Allis Chalmers propose son porte outils. Celui-ci se limite à une excellente vision avant. Fendt propose son GT qui lui est un excellent porteur. La visibilité avant devient nulle dès lors qu’on pose une cuve sur la poutre avant.
Pour Deutz, la solution est limpide. La cabine doit être positionnée à l’avant de l’engin, ce qui donnera une visibilité exceptionnelle quelle que soient les conditions d’utilisation. La marque va partir de la base mécanique d’un tracteur de sa gamme, le 50 06 et va en refondre totalement l’architecture. Nous sommes en 1972. Deutz s’inspire des formes à pan coupés du LEM, le véhicule qui a servi à atterrir sur la lune. Il en découle une cellule de conduite très originale avec une vision périphérique avant et latérale unique. Avec ce tracteur Deutz propose un relevage avant qui permet de positionner des outils tels que rampe de traitement, bineuse etc… Les outils adaptés à l’Intrac sont développés avec la société Rau Amazoneet Evrard notamment. A l’arrière de la cabine, on peut poser une cuve où une réserve d’engrais. Enfin à l’arrière on retrouve l’attelage classique avec crochet polyvalent et relevage trois points. L’Intrac 2002 est donc l’arme pour se différencier et répondre aux exigences des cultures en lignes. Chez les éleveurs, on attèle une faucheuse avant, une autochargeuse en vrac à l’arrière. La vraie polyvalence du tracteur est née grâce à Deutz.
Le créneau est tellement convoité que Mercedes, qui avec trois ingénieurs développe le MB trac en secret, apprend que Deutz va présenter l’Intrac à l’exposition DLG de 1972. Mercedes accélère ses études pour être en mesure de présenter le prototype de ce qui deviendra le MB Trac 65/70. A l’exposition DLG, les deux concurrents font sensations, Deutz pour son originalité, Mercedes pour son nouvel engin dérivé de l’Unimog.
Mais c’est Deutz qui incontestablement fait la une avec son design très original, sans concurrence.
Le concept séduit, mais malheureusement, la conception en petite série, si particulière génère des coûts de production élevés qui freinent les ventes. Par ailleurs, la puissance de l’Intrac est trop limitée. Dès 1974, Deutz propose l’Intrac 2003 de 60 ch à moteur 4 cylindres en place du précédent 3 cylindres de 51 ch du 2002. Majoritairement la clientèle achète la version à 2003 A, à 4 roues motrices, la cabine apportant un surpoids non négligeable sur l’essieu avant, ce qui limite les capacités de franchissement en version à 2 roues motrices.
Parallèlement, Deutz poursuivra le développement de l’Intrac System 2000 avec le 2005 à transmission hydrostatique, séduisant. Mais le modèle à 5 cylindres suivi du 2006 à 6 cylindres resteront tous deux à l’état de prototype. L’entrainement hydraulique d’origine Linde avait un trop mauvais rendement. Deutz est en avance de 30 ans. La technique ne permet pas encore la conception de transmissions viables économiquement, avec un rendement correct.
La série se poursuivra en petite puissance avec le modèle 2004 de 70 ch équipé d’une cabine beaucoup plus consensuelle, d’origine Danoise, Sékura qui améliore sensiblement le confort. Enfin, la dernière série des Intrac sera la gamme des 6. 05 à 6.60 entre 1987 et 1991, développée en collaboration avec… Mercedes. Leur carrière éphémère s’achèvera en 1991 en même temps que l’arrêt des MB Trac.
Révolutionnaire, l’Intrac l’était. Mais il était malheureusement trop cher. Il lui aurait fallu d’emblée 4 roues égales, ce qui aurait largement amélioré son adhérence… au détriment de la maniabilité. Aujourd’hui, L’Intrac est un objet de collection très recherché qui a marqué toute une génération d’agriculteurs.